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Les voyages en train

11 octobre 2010

Deux

hikyhi

J'ai abandonné mon père qui allait mal. Et ma sœur qui subissait la douleur de mon père. J'étais faible à cette époque. Trop faible peut-être. Je ne voyais pas d'autre moyen pour survivre que de partir, de partir loin de là bas pour enfin goûter aux milles saveurs exaltantes que la vie est sensée avoir. Alors un jour, je l'ai fait. Et je pense que j'ai bien fait. Je m'étendrai peut-être sur le sujet, plus tard, sur cette journée qui a donné un nouvel aspect à ma vie ; si j'en ai l'envie, la force. Mon père n'est pas un connard même si je l'ai pensé pendant longtemps, je ne lui en veux plus pour tout ce qu'il nous a fait, à Lys et moi. Même si certains diront que ça ne peut qu'être l'œuvre d'un enfoiré, d'un père irresponsable. Je suis d'accord, en un sens. Le problème c'est que je le comprends, un peu, maintenant. Ce n'est rien d'autre qu'un homme au cœur de sa déchéance, un homme qui souffre depuis très longtemps, bien au delà de l'acceptable , de l'imaginable. On dit qu'il faut être conscient de la valeur des choses, mais en réalité c'est plus complexe que ça...

 

J'ai beau y avoir songé pendant des heures entières, je ne sais toujours pas s'il vaut mieux subir une maladie physique, avoir un handicap ; ou vivre des choses terriblement dures mais en étant en bonne santé physique. J'ai tendance à croire qu'un homme qui peut disposer de son corps à son gré est déjà incroyablement chanceux et qu'il doit être conscient de cette chance. Mais à mon sens une douleur qui n'est pas physique peut aussi atteindre l'insupportable...Je ne sais pas, peut-être que tout ceci est trop complexe pour moi. Peut-être que j'essaye de comparer l'incomparable. J'en ai voulu à mon père de se laisser atteindre à ce point par la mort de ma mère, alors qu'il était en bonne santé et avait la vie devant lui, je lui en ai voulu de ne pas réussir à passer outre son cœur détruit et à continuer d'avancer ; de ne pas parvenir à profiter de ses bras, son dos, son foie, ses poumons, son sang et tout le reste qui ne demandait que ça, qu'on en profite. Je lui en ai voulu de ne pas parvenir à prendre soin de ce corps. Il était en bonne santé physique, lui, bordel, alors qu'est ce qu'il lui manquait ? Qu'est ce qu'il demandait de plus ?! Quand j'étais petit, je ne comprenais pas tout ça. Je ne comprenais pas qu'un homme seul puisse ne pas être capable de sortir de son désespoir uniquement grâce à sa volonté. Je ne comprenais pas que l'on puisse avoir besoin de quelqu'un au point de ne plus être capable de rien sans. Je ne comprenais pas même que l'on puisse être en bonne santé et désespéré...Je considérais que si quelqu'un allait mal moralement plus de quelques jours, c'était forcément qu'il se vautrait volontairement dans sa déprime. Je pensais que seule la douleur physique était une vraie douleur, et que toutes les autres, celles que l'on ne peut pas observer au microscope, étaient des douleurs " fictives ", que l'on ne ressent que si l'on veut bien les ressentir, qui s'accroissent en notre être uniquement si l'on se vautre dedans. Volontairement.

 

Je ne suis plus totalement d'accord avec cet opinion, maintenant. Si j'étais devenu une de ces personnes aigries qui renient ce qu'elles étaient dans le passé, je dirais que j'étais " désespérément naïf ". Sauf que je ne regarde pas l'enfant puis le collégien que j'étais avec condescendance. J'ai longtemps réfléchi à tout ça. Je ne m'excuserai pas d'avoir pensé telle ou telle chose à tel ou tel moment : je sais pourquoi je les aies pensées, pourquoi j'ai été dans certains états d'esprit, et c'est cela qui compte. La cause des effets. Alors oui, pour revenir à ce dont je parlais plus haut, j'assume pleinement le fait d'avoir abandonné mon père au point culminant de sa déchéance, d'avoir abandonné ma sœur au cœur de son adolescence atrophiée. C'est beau l'altruisme, mais il y a un stade où...on n'a pas d'autre choix que de s'occuper un peu de soi même.  A un certain moment, il faut opter pour la dernière solution possible que l'on voit pour sortir de l'état proche de l'automate dans lequel on est, pour ne pas devenir totalement fou, arrêter de dépérir. J'espère qu'un jour Lys me pardonnera d'être parti sans donner de nouvelles. Qu'un jour elle parviendra à comprendre, et à me sourire de nouveau. Ce que j'ai fait, je ne l'ai pas fait par égoïsme, mais par souci de survie. Parce que c'était mon seul moyen de vivre. Je ne pensais pas un demi tiers de quart de seconde que mon départ aurait autant de conséquences négatives.

Mathieu.

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11 octobre 2010

Chapitre premier.

 

Dans les livres, jamais le premier chapitre ne commence par "voici deux heures que je m'acharne sur cet incipit, et il n'y a rien à faire, je n'arrive pas à décider de son contenu..." Même quand c'est la pure vérité, et qu'au moment où il écrit l'auteur n'arrive plus à choisir entre les cinq débuts différents qui sont posés côte à côte, face à lui. Comment fait-on dans ces cas làs ? Faut-il fermer les yeux et en choisir un au hasard ? Ou tous les mettre à la poubelle et recommencer à zéro ? Je pencherai plutôt pour cette dernière solution. Même si je trouve ça terriblement triste de mettre les brouillons précédents au rebus.

Le_livre_brule

Réécrire. Inlassablement. Ce serait donc le destin de tous les écrivains, recommencer d'une manière différente ce qu'ils ont déjà fait, deux, trois, quatre, cinq, six fois ? Et d'être dans cet état d'insatisfaction quasi constant vis à vis de leurs textes...Non, pas de tous les écrivains. Car certains des plus grands ont écrit leurs oeuvres d'une seule traite, en se relisant à peine. C'est écrit dans les manuels scolaires. Ces écrivains-làs ont-il eux aussi; à une époque de leur vie, réécrit chacune de leurs phrases les unes après les autres ? Si j'étais l'un de ces écrivains frustrés qui n'ont jamais rien achevé, je détesterai exprès tous les livres qui ont été écrits d'une traite, sans la moindre retouche. Mépriser le travail des autres permet d'éviter l'excès inverse, celui de la jalousie et du complexe d'infériorité. Si j'étais un écrivain raté je ferais exprès de n'acheter en librairie que les livres d'illustres inconnus, dont l'unique oeuvre n'a été publiée qu'en très peu d'exemplaires, eux mêmes très mal vendus. Je dirais que c'est parmis ceux-là qu'on trouve les vrais artistes. Mais je ne suis qu'un étudiant plus que fauché qui n'a pas la possibilité d'acheter quoi que ce soit en librairie. Alors je me contente des livres à 20 centimes que l'on trouve chez Boulinier. J'ai parfois été déçu et pourtant je persiste à croire que c'est aussi parmis ceux làs, les rescapés, ces livres qui ont filli finir leur vie dans une poubelle ou une cheminée, que l'on trouve les vraies oeuvres d'art.

Mathieu.



 

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